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domestique vint m’annoncer Besmionkof, que le prince avait choisi pour témoin.

Nous réveillâmes à nous deux le capitaine endormi. Il se releva, nous regarda avec ses yeux troublés, demanda un verre d’eau-de-vie d’une voix enrouée, s’étira, salua Besmionkof, et s’en alla avec lui pour conférer dans la chambre voisine. Cette conférence de nos témoins ne fut pas de longue durée. Au bout d’un quart d’heure, ils étaient revenus. Koloberdaef m’expliqua que nous nous battions au pistolet ce jour même à trois heures. J’inclinai silencieusement la tête en signe d’acquiescement. Besmionkof prit aussitôt congé de nous. Il était un peu pâle et intérieurement agité, comme un homme qui n’a pas l’habitude de ces sortes de démarches ; mais il se montra du reste fort résolu et poli. Je ressentais pour ainsi dire une certaine honte en sa présence, et je n’osais pas le regarder en face. Koloberdaef se remit à conter l’histoire de son cheval. Cette conversation m’allait on ne peut mieux. J’avais redouté quelque allusion à Lise ; mais mon bon capitaine n’aimait nullement les médisances, de plus il méprisait les femmes et les confondait toutes, Dieu sait pourquoi, sous le nom de « salade. » Nous mangeâmes à la hâte vers les deux heures, et à trois nous nous trouvions sur le terrain de l’action, dans ce même bois de bouleaux où je m’étais autrefois promené avec Lise, à quelques pas même de l’escarpement…

Nous étions arrivés les premiers, mais le prince et