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la reine du bal et d’être aimée : son visage reflétait à la fois une joie enfantine et un orgueil innocent ; il s’illuminait même d’un autre sentiment plus profond. Elle rayonnait de bonheur. Je remarquais tout cela ; ce n’était pas la première fois qu’il m’arrivait de l’observer. J’en fus d’abord fort attristé, puis touché en quelque sorte, et enfin complètement furieux. Je me sentis tout à coup excessivement méchant, et je me souviens que cette nouvelle sensation me causa une jouissance extrême, et que j’en ressentis même quelque estime pour ma personne.

« Montrons-leur que nous ne sommes pas encore réduit à néant », me dis-je en moi-même. Dès que résonnèrent les sons entraînants de la mazurka, je jetai tranquillement les yeux autour de moi et les arrêtai sur une demoiselle qui avait une figure allongée, un nez rouge et luisant, une bouche qui s’ouvrait si disgracieusement qu’on l’aurait crue déboutonnée, et un cou veineux qui rappelait l’archet d’une contrebasse. Je m’approchai froidement d’elle et l’invitai d’un air dégagé en faisant sèchement frapper mes talons l’un contre l’autre. Elle portait une robe rose qui paraissait relever de maladie et entrer à peine en convalescence ; une espèce de mouche déteinte et mélancolique tremblait sur sa tête et se balançait sur un gros ressort en cuivre. Elle semblait en général pénétrée d’outre en outre, si l’on peut s’exprimer ainsi, d’une sorte d’ennui aigre et d’infortune moisie. Elle n’avait pas bougé de sa place depuis le commencement de la soirée, car