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– C’est le prince N…, me répondit-il avec une figure soucieuse. Il a été envoyé de Pétersbourg pour inspecter des recrues. Que sont devenus mes gens ? continua-t-il avec dépit. Un aide de camp de l’empereur, il n’y avait personne pour lui mettre son manteau !

Nous entrâmes dans la salle.

– Est-il arrivé depuis longtemps ? demandai-je.

– Depuis hier au soir. Je lui ai offert une chambre qu’il a refusée. Il a d’ailleurs l’air d’un aimable garçon.

– Est-il resté longtemps chez vous ?

– Une heure. Il m’a demandé de le présenter à Olympie Nikitichna.

– Et vous l’avez fait ?

– Naturellement.

– Et à Lise Cyrillovna ?…

– Cela s’entend. Ils ont fait connaissance.

– Ne savez-vous pas pour combien de temps il est venu ?

– Oui, pour une quinzaine de jours à peu près. Là-dessus Cyril Matvéitch courut s’habiller. Je ne me rappelle pas que l’arrivée du prince ait éveillé alors la moindre appréhension en moi, si ce n’est ce sentiment de malveillance qui s’empare ordinairement de nous lorsqu’un nouveau visage s’introduit dans notre cercle d’intimes. Peut-être se mêlait-il encore à ce sentiment un je ne sais quoi qui ressemblait à la jalousie qu’inspire tout brillant officier de Pétersbourg