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même reproche : « Allons, Serge Serguéitch, finissez donc ! Où voulez-vous en venir, vous qui écrivez bouchon avec un p ? Oui, messieurs, continuait-il en s’adressant avec indignation à ceux qui l’écoutaient, Serge Serguéitch n’écrit pas bouchon, mais pouchon. » Et tous les assistants de rire, quoique aucun d’eux probablement ne fût très compétent en fait d’orthographe, tandis que le malheureux Serge Serguéitch se taisait, baissait la tête et souriait d’un air résigné… Mais j’oublie que mes jours sont comptés, et que je me lance dans une description trop détaillée. Ainsi donc, sans plus longs détours, Ojoguine était marié ; il avait une fille nommée Élisabeth Cyrillovna, et je m’épris de cette jeune fille.

Ojoguine n’était ni bon ni mauvais, c’était un homme comme on en voit tant ; sa femme, … j’oserais la nommer une vieille volaille ; mais la fille ne tenait nullement de ses parents. Elle était jolie de figure, d’un caractère enjoué et modeste ; ses yeux gris regardaient avec bonté et candeur sous des sourcils constamment relevés comme ceux des enfants ; elle souriait presque toujours et riait fort souvent. Sa voix fraîche avait un timbre agréable, ses mouvements étaient libres et rapides ; elle rougissait facilement et joyeusement. Ses toilettes n’étaient pas toujours de bon goût ; il n’y avait guère que les robes simples qui lui allassent bien. J’étais en général peu prompt à faire connaissance ; je n’avais surtout aucune habitude du commerce des femmes, et quand il m’arrivait