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quelques ouvriers retranchés derrière une barricade échangeaient encore de temps en temps un coup de fusil avec les soldats ; mais ils se disposaient à cesser une résistance désormais inutile, quand un homme de haute taille, aux longs cheveux flottants et presque blancs, apparut tout à coup sur le sommet de la barricade. Il était vêtu d’une mauvaise redingote et portait une large écharpe rouge autour des reins.

Il se mit à crier d’une voix qu’il s’efforçait de rendre perçante, tout en agitant au-dessus de sa tête un lambeau d’étoffe rouge attaché au bout d’un bâton. Cinq ou six coups de fusil partirent aussitôt des rangs des soldats, et l’homme tomba lentement et lourdement, la face en avant, comme s’il saluait quelqu’un jusqu’à terre. Il avait été tué roide.

« Tiens ! dit en ce moment un des derniers défenseurs de la barricade à son compagnon : Voilà qu’on nous a tué le Polonais. »

— Diable ! répondit l’autre, sauvons-nous ! et tous les deux se jetèrent dans la porte entrebâillée d’une maison voisine. Ce Polonais était Dimitri Roudine.