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— Je m’en vais ! Adieu ! Merci… Et pourtant je finirai mal, j’en ai le sinistre pressentiment.

— Dieu seul le sait…. Tu t’en vas décidément ?

— Oui. Adieu ! Ne me conserve pas un mauvais souvenir.

— Mais alors, de ton côté, garde-moi un bon souvenir… et n’oublie pas ce que je t’ai dit. Adieu donc ! Les amis s’embrassèrent, Roudine sortit rapidement.

Lejnieff arpenta longtemps la chambre de long en large, s’arrêta devant la fenêtre, se mit à réfléchir, soupira à demi-voix le mot « infortuné ! » et s’assit enfin devant la table pour écrire à sa femme.

Le vent s’était élevé au dehors et poussait de lugubres hurlements en faisant résonner les vitres sous ses rafales précipitées et furieuses.

C’était le prélude d’une longue nuit d’automne. Heureux celui qu’une nuit pareille trouve à l’abri du toit domestique, près du foyer de la famille où rayonne une douce chaleur… Et que le Seigneur vienne en aide à tous les malheureux sans asile !

C’était le 21 juin 1848. L’insurrection des ateliers nationaux était à peu près étouffée ; l’armée et la garde nationale triomphaient sur tous les points de Paris.

Dans une des rues étroites du faubourg Saint-Antoine