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— Du tout, je ne l’avais jamais entendu prononcer.

— Vous n’avez pas entendu parler d’un homme pareil ? C’est singulier ! Je voulais dire que Médiarowitch, cet homme si extraordinaire, avait également une haute opinion des connaissances linguistiques en russe que possède Daria Michaëlowna.

— Mais n’est-ce pas un pédant que ce baron ? demanda Alexandra Pawlowna.

— Non, aucunement. Daria Michaëlowna prétend qu’on n’a qu’à le regarder pour s’assurer qu’il est homme du meilleur monde. Il parle de Beethoven avec une éloquence telle que le vieux prince même en ressent de l’enthousiasme… J’avoue que j’aurais entendu cela avec plaisir, car la musique, c’est mon fort. Daigneriez-vous accepter cette jolie fleur des champs ?

Alexandra Pawlowna prit la fleur, mais la laissa bientôt retomber sur le chemin. Il ne restait plus qu’environ deux cents pas pour arriver à son habitation. Nouvellement bâtie et encore toute blanche, la maison apparaissait soudain derrière un épais couvert de tilleuls et d’érables antiques, en souriant avec hospitalité à travers ses larges et claires fenêtres.

— Que m’ordonnez-vous de répondre à Daria Michaëlowna ? dit Konstantin tant soit peu mortifié du sort de la fleur qu’il avait offerte ; viendrez-vous dîner ? Elle invite également votre frère.

— Nous irons sans faute. Et que fait Natacha ?

— Natalie Alexiewna va bien, grâce à Dieu. Mais nous avons dépassé le chemin qui mène chez Daria