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l’avait fait entrer au service. En général, les femmes d’un âge équivoque protégeaient volontiers Konstantin Diomiditch. Il savait rechercher et mériter leur protection. Il vivait maintenant en qualité d’enfant adoptif ou de commensal chez une riche propriétaire, nommée Daria Michaëlowna Lassounska. Il était caressant, serviable, sensible et secrètement sensuel, possédait une voix agréable, touchait convenablement du piano et avait l’habitude de dévorer des yeux la personne avec laquelle il s’entretenait. Il s’habillait avec soin et portait ses habits plus longtemps que personne. Son large menton était rasé avec soin et ses cheveux peignés restaient toujours bien lisses.

Alexandra Pawlowna écouta son discours jusqu’à la fin, puis se tourna vers son frère.

— Je rencontre tout le monde aujourd’hui ; tout à l’heure j’ai causé avec Lejnieff.

— Ah ! vraiment ?

— Oui, figure-toi-le dans son drochki de course, vêtu d’une espèce de sac en toile, tout couvert de poussière… Quel original !

— Original, c’est possible ; mais c’est un excellent homme.

— Comment, lui, monsieur Lejnieff ? demanda Konstantin tout étonné.

— Oui, Michaël Michaëlowitch Lejnieff, répondit Volinzoff ; mais, adieu, ma sœur, il est temps que j’aille aux champs. On sème le sarrasin chez toi. M. Konstantin t’accompagnera jusqu’à la maison.