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peau gris, et qui tenait une petite canne à la main. Il y avait déjà longtemps qu’il souriait à Alexandra Pawlowna, tout en voyant bien qu’elle était plongée dans ses réflexions et qu’elle ne remarquait rien ; ce fut seulement quand elle s’arrêta qu’il s’approcha joyeusement et lui dit presque avec tendresse :

— Bonjour, Alexandra Pawlowna, bonjour.

— Ah ! Konstantin Diomiditch ! Bonjour, répondit-elle. Vous venez de chez Daria Michaëlowna ?

— Précisément, précisément, répliqua le jeune homme avec une figure rayonnante, de chez Daria Michaëlowna. Elle m’a envoyé vers vous. J’ai préféré venir à pied… La matinée est si belle ! Il n’y a que quatre verstes de distance. J’arrive et ne vous trouve pas à la maison. Votre frère me dit que vous êtes allée à Séménowka et qu’il se prépare lui-même à visiter ses champs. Je l’accompagne et nous allons à votre rencontre. Oh ! que c’est agréable !

Konstantin Diomiditch parlait le russe purement et grammaticalement, mais avec un accent étranger qu’il aurait été difficile de déterminer. Il avait quelque chose d’asiatique dans les traits du visage : un nez long et bosselé, de grands yeux immobiles à fleur de tête, de grosses lèvres rouges, un front fuyant, des cheveux d’un noir de jais. Tout en lui dénotait une origine orientale. Pourtant son nom de famille était Pandalewski et il appelait Odessa sa patrie, quoiqu’il eût été élevé dans la Russie Blanche aux frais d’une veuve bienfaisante et riche. Une autre veuve