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Tout à coup, et comme s’il venait de prendre une résolution suprême, il se leva, boutonna son habit jusqu’au menton, appela son domestique et fit demander à Daria Michaëlowna si elle pouvait le recevoir. Le domestique revint en annonçant que sa maîtresse l’attendait. Roudine suivit immédiatement le messager. Daria reçut son hôte dans son boudoir, comme le jour de sa première apparition chez elle, il y avait deux mois, avec cette différence toutefois qu’elle n’était pas seule : Pandalewski, toujours aussi modeste, aussi frais, aussi propre, aussi humble, se tenait auprès d’elle.

Daria fit un gracieux accueil à Roudine et celui-ci, de son côté, la salua avec une aisance apparente ; mais, au premier regard jeté sur leurs visages souriants, tout homme connaissant un peu le monde aurait discerné à travers leurs manières polies et amicales une gêne et une froideur véritables. Roudine savait que Daria avait contre lui de sérieux griefs et celle-ci se doutait que Roudine connaissait ses nouvelles dispositions.

Dès qu’elle eut rendu son salut à Roudine, elle l’engagea à s’asseoir. Il s’assit aussitôt, mais non plus comme il s’asseyait autrefois, quand il était à peu près maître au logis. Pas même comme s’assoit une simple connaissance qu’on reçoit avec plaisir. Il ressemblait plutôt à un étranger faisant, avec contrainte, une visite de cérémonie.

Un instant avait suffi pour changer la situation ;