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comprendre, mais les choses sont ainsi. Il faut qu’un événement soit survenu là-bas ; il a sans doute trop tendu la corde et elle s’est rompue.

— Michaël ! répliqua Alexandra, je m’y perds absolument, il me semble que vous vous moquez de moi ?

— Je vous jure que non… je vous l’ai dit, il s’en va, il en a même informé ses amis par écrit. Si vous voulez, à un certain point de vue, c’est un grand bien, mais ce départ va mettre obstacle à la réalisation d’un projet des plus surprenants que nous débattions justement, votre frère et moi.

— Quel projet ?

— J’avais proposé à votre frère de voyager pour se distraire et de vous emmener avec nous. Je prenais sur moi d’avoir soin de vous.

— Voilà qui est charmant ! s’écria Alexandra. Je prévois de quelle façon vous auriez soin de moi. Vous me laisseriez mourir de faim.

— Vous parlez ainsi, Alexandra, parce que vous ne me connaissez point. Vous me prenez pour un lourdaud, un parfait lourdaud, une espèce d’homme des bois ; mais si vous saviez que je suis en état de fondre comme du sucre et de passer des journées à genoux !

— J’avoue que je voudrais voir cela !

Lejnieff se leva subitement.

— Eh bien ! Alexandra, épousez-moi et vous en verrez bien d’autres.