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Alexandra Pawlowna ne lui donna pas la main, mais s’approcha d’elle et la baisa au front.

— Sois bien attentif, dit-elle au vieillard en s’en allant, à lui donner la potion telle qu’elle est prescrite, et fais-lui boire du thé.

Le vieux s’inclina.

Alexandra Pawlowna respira plus librement en se retrouvant en plein air. Elle ouvrit son ombrelle et se disposait à retourner à la maison, quand un homme d’une trentaine d’années apparut subitement en tournant le coin de l’isba, conduisant un petit drochki[1] de course très-bas ; il portait un vieux paletot gris, et avait sur la tête une casquette de même étoffe. Ayant aperçu Alexandra Pawlowna, il arrêta vivement son cheval et se retourna vers elle. Son visage était large et blême ; il avait de petits yeux d’un gris pâle et une moustache très-blonde, le tout à peu près de la nuance de ses vêtements.

— Bonjour, dit-il, avec un sourire nonchalant ; je voudrais bien savoir ce que vous faites ici.

— Je visite une malade… Et vous-même, d’où venez-vous, Michaël Michaëlowitch ?

Celui qu’on appelait Michaël Michaëlowitch regarda son interlocutrice dans les yeux et sourit de nouveau.

— Vous avez bien fait d’aller visiter une malade, continua-t-il : mais ne vaudrait-il pas mieux la faire transporter à l’hôpital ?

  1. Petite voiture découverte à quatre roues.