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— À quelle question ?

— Que pensez-vous que nous ayons à faire à présent ?

— Ce que nous avons à faire ? répéta Roudine. Il faut naturellement se soumettre.

— Se soumettre ! répéta lentement Natalie, tandis que ses lèvres devenaient toutes blanches.

— Se soumettre à la destinée, continua Roudine. Que pourrions-nous faire ? Je sais fort bien que cette résignation sera bien amère et que ce coup est lourd à supporter ; mais décidez vous-même, Natalie. Je suis pauvre… je pourrais travailler, il est vrai ; mais quand même je serais riche, auriez-vous le courage d’accepter une rupture inévitable avec votre famille, de braver la colère de votre mère ?… Non, Natalie, il ne faut même pas y penser. Il est évident que nous ne sommes pas destinés à vivre ensemble et que ce bonheur idéal que j’ai rêvé n’est pas fait pour un malheureux comme moi.

Natalie couvrit tout à coup son visage de ses mains et éclata en sanglots.

Roudine s’approcha d’elle.

— Natalie, chère Natalie, dit-il avec chaleur, ne pleurez pas, pour l’amour de Dieu ! Ne me déchirez pas ainsi le cœur ; calmez-vous.

Natalie leva la tête.

— Vous me dites de me calmer ! répliqua-t-elle, tandis que ses yeux humides brillaient d’un éclat extraordinaire. Mes pleurs n’ont pas le motif que vous