Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/138

Cette page n’a pas encore été corrigée

devoir sacré ; j’aurais voulu pour quelques jours le reléguer dans une île déserte et voir à la dérobée comment il s’y prendrait pour poser seul en face de lui-même. Et il ose parler de simplicité !

— Mais, pour l’amour de Dieu, dis-moi donc, frère, ce que signifie sa conduite ? Est-ce de la philosophie ?

— Comment te répondre ? La philosophie y entre bien certainement pour quelque chose, mais elle n’y entre pas pour tout. Il ne faut pas mettre toutes les sottises sur le compte de la philosophie.

Volinzoff lui jeta un regard de côté.

— Mais ne mentirait-il pas ? Qu’en penses-tu ?

— Non mon ami, il ne ment pas. D’ailleurs, en voilà assez sur ce personnage. Viens au jardin fumer un cigare, et prions Alexandra de se joindre à nous. Quant elle est présente, il est plus facile de causer et plus facile aussi de se taire. Elle nous donnera du thé.

— Volontiers, répondit Volinzoff.

— Sacha, s’écria-t-il, viens donc ici !

Alexandra entra. Il lui serra la main et y posa tendrement ses lèvres.

Roudine était retourné chez lui dans une disposition d’esprit assez pénible. Il s’adressait de vifs reproches et accusait amèrement son impardonnable précipitation et son enfantillage. Ce n’est pas sans raison qu’on a dit qu’il n’y avait rien de plus lourd à porter que la conviction d’avoir fait une sottise.

Roudine était rongé de remords.