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élevant soudain la voix, ne voulant pas que cette mort me prenne au dépourvu… »

Et il répéta mot à mot la phrase qu’il avait dite l’avant-veille à ma mère.

« Conformément à cette décision que j’ai prise, continua-t-il en élevant encore la voix et en frappant de la main les papiers étalés sur la table, cet acte formel a été dressé, et les autorités compétentes ont été requises, et vous allez entendre point par point toutes mes volontés… J’ai régné… assez comme cela. »

Kharlof posa sur son nez ses lunettes en fer, et, prenant une des feuilles déposées sur la table, en fit ainsi la lecture :

« Acte de partage des biens appartenant au caporal en retraite et gentilhomme d’ancienne race Martin Kharlof, rédigé par lui dans la plénitude de ses facultés et de son libre arbitre, où sont déterminées avec exactitude les parts afférentes à ses deux filles, Anna et Evlampia… Saluez ! »

Elles saluèrent, et de quelle façon !

« Les serfs et autres cheptels sont répartis entre lesdites filles : Manu propria… »

« C’est son papier à lui, dit l’ispravnik à Lisinski avec son éternel sourire ; il veut en faire lecture pour la beauté du style. Quant à l’acte légal, il est rédigé dans les formes et sans toutes ces fleurs de rhétorique. »

Souvenir allait ricaner.

« Oui, mais conformément à mes volontés ! s’écria