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sonnette toute vieillotte, avec un toit en chaume et un petit perron que soutenaient des colonnettes en bois. Une autre maisonnette un peu plus neuve, et ornée d’une mansarde, avait été construite sur le côté de la cour ; elle aussi semblait, comme on dit chez nous, se tenir sur des pattes de poule.

« Vois-tu, me dit Kharlof, dans quel taudis ont vécu nos pères. Eh bien ! regarde quel palais je me suis bâti ! » Ce palais avait l’air d’un château de cartes. Cinq ou six chiens, tous plus velus et plus laids les uns que les autres, nous accueillirent par des aboiements furieux. « Ce sont des chiens de berger, dit Kharlof, de la vraie race de Crimée. Taisez-vous, maudits ! pour un rien, je vous pendrais tous. »

Un jeune homme vêtu d’une longue redingote en nankin apparut sur le perron de la maison neuve ; c’était le mari de la fille aînée. Il ne fit qu’un bond jusqu’au droski, et, soutenant respectueusement d’une main le coude de son beau-père, il étendit l’autre comme pour aider aussi l’énorme jambe de Kharlof, qui descendait du droski comme d’un cheval. Ensuite, il vint m’aider à quitter ma monture.

« Anna, s’écria Kharlof, le fils de Natalia Nicolavna a daigné nous rendre visite ; il s’agit de le régaler. Où est la petite Evlampia ? » Anna était l’aînée de ses filles, Evlampia la cadette.

« Elle n’est pas à la maison, elle est allée aux champs cueillir des bluets, répondit Anna, qui ouvrit une fenêtre à côté de la porte.

— Y a-t-il du lait caillé ? demanda Kharlof.