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joignait une nouvelle : c’était un air de résolution, presque de hardiesse et d’enthousiasme concentré. Sur ce visage, plus la moindre trace de grâce enfantine.

Je m’approchai.

« Sophie Vladimirovna, m’écriai-je, est-ce vous dans ce costume et dans cette compagnie ?… »

Elle frissonna, me regarda encore plus fixement, comme pour reconnaître qui lui adressait la parole ; mais, sans me répondre un mot, elle courut à son compagnon.

« Akoulinouchka, bégaya l’innocent avec un profond soupir, nos péchés, nos péchés…

— Vassili Nikititch, partons tout de suite, tout de suite, entendez-vous ? lui dit-elle, tout en jetant d’une main son mouchoir sur sa tête, tandis que de l’autre elle soulevait le coude de l’être immonde accroupi devant elle. Allons, Vassili Nikititch, ici il y a du danger !

— Je viens, je viens, ma petite mère, répondit l’innocent avec soumission, et, portant tout son corps en avant, il se souleva de son siége ; seulement il faudrait quelque chose pour attacher la bonne petite chaîne. »

Je courus après Sophie, je me nommai, je la suppliai de m’écouter, d’entendre un mot seulement. Je cherchai à la retenir en lui disant que la pluie qui tombait à flots pourrait lui faire le plus grand mal, ainsi qu’à son compagnon. Je lui parlai de son père… Rien n’y fit. Une animation méchante, impitoya-