Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/313

Cette page a été validée par deux contributeurs.
297
L’Abandonnée.

mourir… elle affirmait que tu ne la trouverais plus. Si tu avais vu sa figure quand elle disait cela ! Songe combien il a dû lui en coûter pour se résoudre à venir chez moi !

— C’est une nature exaltée, répliqua Fustow, qui semblait complétement rentré en possession de lui-même. Toutes les jeunes filles sont ainsi à leur premier stage. Je l’ai dit et je le répète, les choses s’arrangeront demain ; en attendant, adieu. Je suis très-fatigué ; toi aussi tu dois avoir besoin de sommeil, »

Il prit sa casquette et sortit.

« Promets-moi au moins que tu viendras ici, sans perdre une minute, me raconter tout, » criai-je après lui.

— Oui, je te le promets… adieu ! »

Je me couchai, mais mon cœur ne retrouva pas son calme ; j’étais irrité contre Fustow. Je m’endormis tard. Je me vis en rêve errant avec Susanne dans d’humides souterrains ; nous descendions des escaliers rapides et nous nous enfoncions de plus en plus vers les profondeurs, quoique notre désir ardent fût d’arriver là-haut, à l’air, à la lumière ; et pendant tout ce temps nous entendions au-dessus de nos têtes une voix nous appeler, monotone et plaintive.

XXI

Une main me saisit par l’épaule et me secoua légèrement… J’ouvris les yeux à la clarté vacillante d’une