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de bois à deux étages, et, s’essuyant le nez à la manche de sa souquenille, il me dit :

« C’est ici, la porte à droite. »

Je montai le perron, j’entrai dans un petit vestibule, et je frappai à droite. Une porte basse avec des ferrures rouillées s’entr’ouvrit, et je me trouvai en présence d’une grosse vieille femme en casaque de couleur cannelle, doublée de peau de lièvre, un mouchoir de couleur sur la tête.

« Mastridia Karpovna ! lui demandai-je.

— À vous servir, monsieur, répondit-elle d’une voix glapissante. Soyez le bienvenu. Monsieur veut-il s’asseoir ? »

La chambre était encombrée d’une quantité de vieilles nippes, de chiffons, de coussins, de matelas, de sacs, si bien qu’il n’était pas facile de s’y retourner. Le soleil y entrait à peine par deux petites fenêtres couvertes de poussière. Dans un coin, derrière un tas de paniers posés les uns sur les autres, sortait un bruit étrange. On soupirait, on geignait. Était-ce un enfant malade, un petit chien ?… Je m’assis, et la vieille se tint debout devant moi. Son visage était jaune, presque diaphane et comme de cire. Ses lèvres avaient disparu, et l’on ne reconnaissait sa bouche, perdue au milieu de ses rides, qu’à une fente transversale. Une mèche de cheveux blancs s’échappait de dessous son mouchoir de tête. Quoique profondément enfoncés sous son front proéminent, ses yeux gris, bordés de rouge, brillaient comme des charbons.