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L’Abandonnée.

« Ah ! bien oui ! vous devinez juste !… Ce matin, fort de votre intercession, je lui ai demandé de l’argent. Savez-vous ce que le ladre m’a répondu ? : « Je veux bien payer tes dettes jusqu’à concurrence de vingt-cinq roubles inclusivement ! » Entendez-vous ? Inclusivement ! Non, monsieur, c’est Dieu lui-même qui m’a envoyé cette bonne fortune. Ç’a été une chance magnifique.

— Avez-vous pillé quelqu’un ? demanda Fustow avec négligence. »

Le visage de Victor se rembrunit.

« Vous pensez tout de suite au pillage ! J’ai gagné cet argent, je l’ai gagné à un officier de la garde arrivé hier seulement de Saint-Pétersbourg. Comme les choses se sont arrangées ! L’histoire mérite que je vous la raconte…, mais pas ici. Allons chez Jar, c’est à deux pas. Je vous l’ai dit, c’est moi qui paye. »

Nous aurions dû ne pas accepter l’invitation ; cependant nous le suivîmes sans résistance.

XV

On nous servit chez Jar dans un cabinet particulier. Le champagne, naturellement, devait être de la partie. Avec force détails, Victor nous raconta comment il avait fait la connaissance de ce jeune et très-aimable officier de la garde, comme quoi cet adolescent de bonne famille, mais d’intelligence bor-