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« Ainsi je puis compter sur vous ? lui dis-je comme il se retirait.

— Ayez bon espoir, répondit-il d’une voix assurée. Voyons d’abord la vieille, et nous vous rendrons réponse bien exactement. »

Je vous fais grâce de toutes les pensées que me suggéra la révélation du garçon de l’hôtel, j’avouerai seulement que j’attendis la réponse avec impatience. Le soir, assez tard, Ardalion, tout penaud, m’annonça qu’il n’avait pas trouvé la vieille. Pour l’encourager, je lui donnai un assignat de trois roubles. Aussi, le matin suivant, il entrait dans ma chambre le sourire aux lèvres. La vieille consentait à me voir.

« Eh ! petit, cria-t-il dans le corridor. Eh ! jeune artisan, arrive ici ! »

Sur quoi entra un enfant de six ans, tout barbouillé de suie, comme un chat de mars, la tête tondue, sans cheveux même par places, portant une robe de chambre à raies, toute déchirée, et des galoches à ses pieds nus.

« Vois-tu, tu vas mener monsieur où tu sais, dit Ardalion en se tournant vers le gamin et me désignant à lui. Quand vous serez arrivé, monsieur, vous n’avez qu’à demander Mastridia Karpovna. »

L’enfant fit entendre un petit grognement, et nous nous mîmes en route.

Après avoir marché assez longtemps par les rues non pavées de la ville de T…, nous nous trouvâmes dans une des plus désertes et des plus misérables. Mon guide s’arrêta devant une vieille maisonnette