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L’Abandonnée.

fuyants, prétextes que tout cela ! Il a su se faire graisser la patte, et d’une manière !… »

Fustow regarda de travers son interlocuteur.

« Soit, répondit-il lentement ; je parlerai à M. Ratsch. Du reste, si vous le désirez, je puis… en attendant… s’il s’agit d’une petite somme…

— Non, mieux vaut avoir le vieux dans sa manche… Cependant, ajouta Victor en se grattant le nez avec ses cinq doigts, passez-moi toujours, si c’est possible, quelques roubles, vingt-cinq, par exemple. Quel est mon débet chez vous ?

— Vous m’avez emprunté quatre-vingt-cinq roubles.

— Ainsi… cela ferait une somme ronde… de cent dix roubles. Je vous rendrai tout à la fois. »

Fustow alla dans la pièce voisine, apporta un billet de vingt-cinq roubles, et le remit silencieusement à Victor. Ce dernier prit l’argent, bâilla sans mettre la main sur sa bouche et à plein gosier, murmura un « merci bien ! » puis s’étira encore plusieurs fois en divers sens sur le divan ; après quoi il se leva avec lenteur.

« Brrr ! je ne suis pas à mon aise du tout, fit-il à mi-voix : irai-je à la villa Tivoli ? »

En parlant ainsi, Victor s’avança vers la porte.

Fustow le suivit du regard ; il semblait perplexe.

« Qu’est-ce que c’est que cette pension dont vous avez dit quelques mots en passant, Victor Ivanovitch ? » demanda-t-il enfin.

Victor s’arrêta sur le seuil et mit sa casquette.