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L’Abandonnée.

étudiants tous deux, mais nous appartenions à des Facultés différentes.

— Non… nullement ! Hier, je dois vous l’avouer… Et là-dessus M. Ratsch jeune ébaucha un sourire ; par malheur sa bouche en s’ouvrant montra des dents gâtées… ; hier nous avons fait une consommation de vins… considérable. »

Il alluma son cigare et toussota.

« Nous prenions congé d’Obichodow.

— Pour où est-il parti ?

— Pour le Caucase, et sa maîtresse l’accompagne. Vous la connaissez bien, celle qui a des yeux noirs et des taches de rousseur en quantité. Le fou !

— Hier au soir, votre père vous cherchait.

— Oui, on m’a raconté que vous nous aviez fait une visite dans notre camp de bohémiens. Avez-vous musiqué ?

— Comme toujours.

— Et elle… ? En présence d’un étranger (il m’indiqua de la tête), elle aura minaudé, pour sûr ; elle n’aura pas voulu jouer ?

— De qui parlez-vous donc ? répondit Fustow.

— Eh ! de qui donc, si ce n’est de l’honorable Susanne Ivanowna ? »

Victor se mit encore plus à son aise, entoura sa tête de son bras, contempla la paume de sa main — et toussota de nouveau, d’un air entendu.

Je regardai Fustow. Il haussa simplement les épaules, comme pour me faire comprendre que d’un pareil rustre on ne devait pas espérer mieux.