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L’Abandonnée.

notre excellent Alexandre Davidovitch, à mon sujet ; que vous répondra-t-il ? — Il vous répondra : « Le vieux Ratsch est un brave homme, un Russe, sinon par l’origine, du moins par l’esprit, ah ! ah ! Je reçus à mon baptême les noms de Johann Dietrich ; maintenant on m’appelle Ivan Demïanitch ! Je parle comme je pense, j’ai le cœur sur la main. De cérémonies et de telles autres balivernes, je ne fais aucun cas. Que le diable les emporte ! Venez me voir un soir, vous pourrez vous en convaincre de visu. Ma vieille, c’est-à-dire mon épouse, est tout aussi bon enfant. Elle nous servira du rôti et des gâteaux à bouche que veux-tu ? N’est-ce pas Alexandre Davidovitch, n’ai-je pas raison ? »

Fustow se contenta de sourire, et moi aussi je jugeai bon de me taire.

« Ne me regardez pas comme cela par dessus les épaules, venez toujours voir le vieux, continua M. Ratsch. Mais maintenant… et il tira de sa poche une épaisse montre en argent qu’il appliqua contre son œil droit, — maintenant je pense qu’il faut partir. Un autre élève m’attend. Le diable sait ce que j’enseigne à celui-là… oui, parbleu ! la mythologie ! et le gredin perche à une distance ! à la Porte-Rouge ! Mais au fait, qu’importe ? Je vais sur la haquenée des Cordeliers, car puisque votre petit frère m’a laissé en plan, j’économiserai la pièce que j’aurais donnée au cocher ! Ha ! Ha ! je vous tire ma révérence, mes très-vénérés ; au revoir ! Et vous, jeune homme, venez aussi… Vous n’aurez pas à vous