Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
L’Abandonnée.

les cercles d’étudiants, il ne se mêlait à la conversation que par l’aménité de son regard sympathique et par son sourire approbateur. Il trouvait grâce entière aux yeux du sexe faible, mais n’aimait pas à discourir sur ce thème, si intéressant d’ailleurs pour les jeunes gens, et méritait sans réserve le titre de « don Juan discret » que lui avaient décerné ses amis. Je n’admirais pas Fustow ; — aussi bien n’y avait-il rien d’admirable en lui ; — mais j’attachais une grande valeur à son amitié pour moi, quoiqu’en réalité elle se réduisît à ceci : sa porte m’était toujours ouverte. Je le regardais comme le personnage le plus heureux de la terre. Sa vie s’écoulait doucement ; mère, frères, sœurs, tantes, oncles, tous l’idolâtraient ; il vivait avec eux tous en parfaite harmonie, et passait pour le modèle achevé d’un bon parent.

IV

Un matin, — j’étais arrivé chez lui de très-bonne heure, — je ne le trouvai pas encore dans sa chambre. Il me dit bonjour de la pièce voisine, et en même temps je l’entendis souffler et gargouiller d’une façon singulière. Chaque matin, après s’être administré des douches d’eau froide, il faisait quelques exercices de gymnastique, dans lesquels il était arrivé à une remarquable habileté. Il n’approuvait pas des soins excessifs donnés au corps, mais il ne négligeait pas non plus le nécessaire. — « Ne t’ou-