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loustic, mais comme c’est un cadeau qu’on m’a fait… »

Je me pris la tête dans les deux mains. Un trait de lumière passa dans mon esprit.

« Tu t’appelles Élie ?

— Oui, monsieur.

— Alors c’est toi qui… l’autre nuit… près du saule… »

Le colporteur cligna de l’œil et sourit de plus belle.

« C’est moi.

— Et c’est toi qu’on appelait…

— C’est moi, répéta le colporteur avec un air de modestie enjouée. Une jeune fille, continua-t-il en fausset, qui à cause de la très-grande sévérité de ses parents…

— Bien ! bien ! interrompis-je. » Je lui donnai son peigne et je le renvoyai.

Voilà donc quel était cet Élie, — et je me plongeai dans des réflexions philosophiques, dont je ne veux d’ailleurs pas vous faire part, car je ne suis guère disposé à empêcher qui que ce soit de croire au destin, à la prédestination, à tout ce qu’on voudra de « fatal ».

De retour à Pétersbourg, je pris des informations sur Marie. Je finis même par trouver le docteur qui l’avait soignée. À mon grand étonnement, j’appris de lui qu’elle ne s’était pas empoisonnée, mais qu’elle était morte du choléra ! Je lui racontai tout ce que Téglew m’avait dit.