comme vous punissez la plus légère irrégularité dans la tenue, la plus légère infraction au règlement, quand se présente devant vous un officier pâle et tremblant ; et voilà que je me présente maintenant devant notre juge commun, intègre et incorruptible, devant l’Être suprême, devant un Être infiniment plus important que Votre Altesse elle-même, — et je me présente tout simplement, en manteau, et même sans cravate… »
Ah ! quelle pénible impression produisit sur moi cette phrase, dont chaque mot, dont chaque lettre avait été soigneusement achevée d’une main enfantine ! Comment, me disais-je intérieurement, comment penser à de telles sottises dans un pareil moment ? Et, visiblement, cette phrase avait plu à Téglew : il y avait accumulé, selon la mode d’alors, toutes les épithètes, toutes les amplifications à la Marlinsky. Il parlait ensuite de la destinée, de persécutions, de sa mission qui était restée non remplie, d’un secret qu’il emportait dans la tombe, de gens qui n’avaient pas voulu le comprendre ; il citait même des vers où un certain poëte dit que la foule porte la vie « comme un collier » et s’attache au vice « comme le fruit de la bardane », et tout cela non sans fautes d’orthographe.
À vrai dire, cette dernière lettre du pauvre Téglew était assez vulgaire, — et j’imagine l’expression dédaigneuse du haut personnage auquel elle était adressée ; j’imagine de quel ton il dut dire : « Mauvais officier ! une mauvaise herbe de moins ! » — À