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« Où nous diriger, demandai-je avec angoisse à Siméon.

— Voyez-vous, monsieur, je crois que l’esprit malin s’en mêle, répondit le pauvre homme tout désorienté. C’est une affaire qui n’est pas claire… »

J’allais me fâcher contre lui… En ce moment mon oreille fut frappée d’un son faible, mais distinct, qui absorba aussitôt toute mon attention. Cela ressemblait au bruit que produit un bouchon tiré d’une bouteille à goulot étroit. Ce bruit avait été produit non loin de moi. Pourquoi ce bruit me semblait-il avoir quelque chose de particulier et d’étrange ? Je ne saurais le dire ; mais je me dirigeai aussitôt du côté d’où il était parti.

Siméon me suivit. Au bout de peu d’instants, une tache large et haute apparut vaguement à travers le brouillard.

« Le bois ! voilà le bois ! s’écria joyeusement Siméon : tenez ! mon maître est encore assis sous le bouleau… là où je l’avais laissé. C’est bien lui ! »

Je regardai. En effet, un homme était assis par terre, au pied d’un bouleau, replié sur lui-même dans une attitude bizarre. Je m’avançai rapidement vers lui, et je reconnus le manteau de Téglew, sa figure, sa tête penchée sur la poitrine. « Téglew ! » m’écriai-je… mais il ne répondit pas.

« Téglew ! » répétai-je, en lui posant la main sur l’épaule.

Il se pencha tout à coup en avant, comme s’il eût obéi au choc, et roula sur l’herbe. Nous le relevâmes