Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pour nous, ça ne nous convient pas du tout.

— Pourquoi donc ?

— Elle est très-maigre.

— Si elle était morte, repris-je, crois-tu qu’Élie Stépanitch lui survécût ? »

Siméon soupira encore.

« Nous n’osons pas juger ces choses-là. C’est l’affaire des seigneurs. Mais notre maître est un homme bizarre. »

Je pris sur la table la lettre, large et assez épaisse, que m’avait remise Téglew, et je la retournai. L’adresse portait les titres, le prénom, le nom patronymique et le nom de famille du colonel, soigneusement et minutieusement écrits. À l’angle supérieur de l’enveloppe se trouvait le mot : « pressé », souligné deux fois.

« Écoute, Siméon, repris-je, je crains pour ton maître. Je crois qu’il a une mauvaise idée dans l’esprit. Il faut absolument nous mettre à sa recherche.

— Très-bien, monsieur, répondit Siméon.

— Il est vrai qu’il fait un tel brouillard dehors qu’on ne peut rien voir à deux pas devant soi. Mais n’importe, il faut essayer. Nous prendrons chacun une lanterne, et à tout hasard nous mettrons une bougie à chaque fenêtre.

« Très-bien, monsieur », répéta Siméon.

Il alluma les lanternes et les bougies, et nous partîmes.