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tranquillement, avec un certain air de triomphe.

« Mais, repris-je, pourquoi restons-nous ici ? Retournons à la maison.

— Allons, dit Téglew. Mais comment trouver notre chemin dans ce brouillard ?

— Il y a de la lumière aux fenêtres de notre cabane. Nous nous en servirons pour nous diriger. Allons.

— Marchez devant, répondit Téglew, je vous suis. »

Nous partîmes. Pendant cinq minutes nous marchâmes sans apercevoir la lueur conductrice. Enfin, deux points rouges brillèrent au loin. Téglew me suivait à pas mesurés. Il me tardait extrêmement d’arriver à la maison et d’apprendre de lui tous les détails de son malheureux voyage à Pétersbourg. Frappé de ce qu’il m’avait dit, saisi d’un accès de repentir et de crainte superstitieuse, je lui avouai, avant d’arriver à notre cabane, que c’était moi qui avais produit le bruit mystérieux de la veille… Quel tour tragique avait pris cette plaisanterie !

Téglew se borna à dire que je n’étais là pour rien ; que quelque chose d’innommé avait dirigé ma main, et que cela prouvait seulement combien peu je le connaissais. Sa voix, étrangement tranquille et égale, résonnait tout près de mon oreille. Mais vous me connaîtrez, ajouta-t-il ; je vous ai vu sourire, hier, quand je parlais de la force de la volonté… Vous me connaîtrez, et vous vous souviendrez de mes paroles.

La première cabane du village, comme une sombre