Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.

saire, demandez-le à la femme de charge. Vous m’avez entendue ?

— J’obéis, dit le maître d’hôtel.

— Et dès qu’il se réveillera, faites venir le tailleur, et qu’on lui prenne mesure pour des habits neufs. Il faudra aussi lui raser la barbe ; mais tout cela plus tard.

— J’obéis, répéta le maître d’hôtel. Martin Pétrovitch, daignez me suivre. — Kharlof se leva, jeta un long regard à ma mère, et allait s’approcher d’elle ; mais il se retint et se contenta de lui faire un salut en pliant le corps jusqu’à la ceinture. Puis il fit trois grands signes de croix devant les saintes images, et suivit le maître d’hôtel. Moi aussi, je me glissai hors de la chambre derrière eux.

Le maître d’hôtel emmena Kharlof dans la chambre verte, et s’empressa d’aller demander du linge à la femme de charge. Souvenir nous avait guettés dans le vestibule et s’était faufilé dans la chambre ; il se mit à cabrioler en grimaçant autour de Kharlof, qui, immobile et les bras ballants, s’était arrêté entre deux fenêtres. L’eau continuait à couler de ses vêtements.

« Suédois ! ô Suédois Karlus ! criait Souvenir qui se renversait en arrière et se tenait les côtes, ô grand fondateur de l’illustre race des Kharlof, regarde ton descendant, qu’il est beau ! il est digne de toi. Ah, ah, ah ! votre Excellence, laissez-moi vous baiser la main ; mais pourquoi avez-vous mis des gants noirs ? — Je voulus retenir ce bouffon ; vaine tentative ! — Il m’a traité de pique-assiette ! Il me disait : « Tu