à quoi pouvait-il être bon ? Il a été soldat toute sa vie, et voilà tout à coup qu’il imagine de s’occuper des choses du ménage. Il dit : « Je sais conduire les paysans, parce que je sais souffleter. » Il ne fait rien du tout, car il faut savoir souffleter à point. C’est Evlampia Martinovna elle-même qui l’a refusé. Est-ce qu’un soldat fait quelque chose au monde ? Tout notre ménage avec lui fût allé au diable.
« — A-ou ! fit retentir la voix sonore d’Evlampia.
— J’y vais, j y vais, » répondit Slotkine. Il me tendit la main, et j’avoue, à ma honte, que je lui donnai la mienne. « J’ai l’honneur de vous saluer, Dmitri Séménitch, dit-il en montrant toutes ses dents blanches. Tirez des bécasses tant que vous voudrez : c’est un oiseau qui passe, qui n’appartient à personne ; mais si un lièvre traverse votre chemin, épargnez-le : c’est notre gibier. J’oubliais encore… N’auriez-vous pas un petit de votre chienne ?
— A-ou ! fit encore entendre Evlampia.
— A-ou ! a-ou ! » répondit Slotkine.
Et il s’éloigna en courant.
Je me souviens que, resté seul, je me dis à moi-même : Comment Kharlof n’a-t-il pas exterminé Slotkine jusqu’à ne laisser qu’un peu de boue sur la place, comme il l’en avait menacé ? Et comment celui-ci ne craignait-il pas un tel sort ? Il faut, pensai-je, que Kharlof soit devenu bien tranquille. Mon désir s’en accrut de pénétrer dans Ieskovo et d’apercevoir, ne fût-ce que du coin de l’œil, ce colosse que je ne pouvais pas me figurer humble et dompté.