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qu’à ce moment nous n’avions point parlé d’autre chose.

« Non, il est vivant, répondit Procope. Pourquoi le demandez-vous ?

— Mais c’est bien son cheval, répliquai-je ; l’aurait-il vendu ?

— En effet, ce cheval était à lui, mais il ne l’a pas vendu ; on le lui a pris pour le donner à ce paysan-là. Bien des choses se sont passées en votre absence, ajouta-t-il avec un léger sourire, et comme pour répondre à mon regard étonné. Et quelles choses, grand Dieu ! c’est maintenant M. Slotkine qui est le maître.

— Et Martin Petrovitch ?

— Oh ! Martin Petrovitch est devenu comme qui dirait le dernier des hommes. Il ne mange que du pain sec et du froid ; que voulez-vous de plus ? Il ne compte plus pour rien ; un de ces beaux matins on le chassera de la maison. »

L’idée qu’on pouvait chasser un pareil géant ne pouvait pas m’entrer dans la tête.

« Mais Gitkof, demandai-je, que dit-il de tout cela ? Je suppose qu’il est marié avec la seconde fille.

— Marié ! s’écria Procope en riant cette fois-ci tout de bon ; on ne lui laisse pas seulement passer le seuil de la porte. « Tourne tes brancards d’un autre côté ; nous n’avons que faire de toi. » Je vous l’ai déjà dit, c’est Slotkine qui commande.

— Et la fiancée ?

— Evlampia Martinovna ! Eh ! notre maître, je