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vide, — voilà toutes les magnificences qui s’étalaient sous ses yeux. Tout cet ensemble, pauvre et chétif, avait l’air, non d’être abandonné et revenu à l’état sauvage, mais de n’avoir jamais fleuri, comme un arbre qui a mal pris racine.

Néjdanof descendit. Machourina était dans la salle à manger, assise devant le samovar ; vraisemblablement, elle l’attendait.

Il apprit par elle qu’Ostrodoumof était parti pour travailler « à l’œuvre », et ne reviendrait pas avant quinze jours ; quant au maître de la maison, il était allé se joindre à ses ouvriers. Comme mai touchait à sa fin, et que la besogne n’était pas pressée, Markelof avait eu l’idée d’entreprendre avec ses propres ressources l’abattage de son bois de bouleaux, et il était allé de bonne heure se mettre à l’ouvrage.

Néjdanof éprouvait une grande fatigue d’esprit. On avait tant parlé, la veille, de l’impossibilité d’un plus long retard, de la nécessité absolue « d’agir immédiatement… » Mais comment agir ? — et immédiatement encore !

Interroger Machourina là-dessus eût été inutile ; elle ne connaissait pas l’hésitation ; elle savait clairement ce qu’elle avait à faire, — c’était d’aller à K… Elle ne voyait rien au delà.

Néjdanof ne savait que lui dire ; après avoir pris un verre de thé, il mit son bonnet et se dirigea vers le bois de bouleaux. Il rencontra sur son chemin des paysans, anciens serfs de Markelof, qui venaient de mener du fumier aux champs ; il entama la conversation avec eux, sans en tirer grand profit. Eux aussi semblaient fatigués, mais d’une fatigue physique, naturelle, qui ne ressemblait en rien au sentiment qu’il éprouvait.

Leur ancien seigneur, Markelof, était, disaient-ils, un homme pas fier, seulement un peu bizarre ; ils prédisaient qu’il se ruinerait, car « il ne s’entend pas aux choses, il veut tout arranger à sa façon, au lieu de faire