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très-intelligent, il est vrai, mais un peu trop vif et trop convaincu de ses mérites ; on prononça aussi le nom de Solomine.

« Celui qui dirige une fabrique ? demanda Néjdanof, qui se rappela ce nom mentionné à table par Sipiaguine.

— Lui-même, répondit Markelof ; il faut que vous fassiez sa connaissance. Nous ne l’avons pas encore tâté, mais c’est un homme sérieux, un homme solide. »

Érémeï de Galapliok vint de nouveau en scène. On y joignit le Cyrille de chez Sipiaguine, et un certain Mendeleïef, surnommé Doutik (le gonflé) ; seulement on ne pouvait pas trop compter sur celui-ci : à jeun, il était brave ; mais après avoir bu il ne valait plus rien ; malheureusement il était presque toujours entre deux vins.

« Et parmi vos paysans, demanda Néjdanof à Markelof, y a-t-il des gens sur qui vous puissiez compter ? »

Markelof répondit que oui ; mais il ne nomma personne ; et il se lança dans des considérations sur les bourgeois des villes et sur les séminaristes, qui, par parenthèse, seraient fort utiles à cause de leur grande force corporelle ; quand ceux-là commenceraient à jouer du poing, oh ! alors, on verrait.

Néjdanof demanda si l’on aurait avec soi quelques nobles. Markelof répondit qu’on en avait cinq ou six, tous jeunes ; — l’un d’eux était même Allemand d’origine et bien radical ; — par malheur, c’est une chose connue, on ne peut pas se fier aux Allemands… Pour un rien, ils vous trompent et vous lâchent ! Du reste, il fallait attendre les renseignements fournis par Kisliakof.

« Et l’armée ? les soldats ? » demanda Néjdanof.

Ici Markelof hésita, tirailla ses longs favoris, et déclara enfin que, de ce côté-là, il n’y avait rien, jusqu’à présent… de décisif… que, du reste, il fallait attendre les renseignements de Kisliakof.

« Mais quel est ce Kisliakof ? » s’écria Néjdanof, non sans impatience.