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Sipiaguine avec un certain frémissement ironique dans la voix.

— Peut-être.

— Comment ? s’écria Kalloméïtsef, qu’entends-je ? Ô Dieu ! Pour enseigner l’alphabet aux petites paysannes, il faut une préparation antérieure ? »

Mais en ce moment Kolia se précipita dans le salon en criant : « Maman ! maman ! voici papa ! » et à sa suite, entra en se dandinant sur ses grosses jambes une dame coiffée d’un bonnet, vêtue d’un châle jaune, qui annonça également que Borinka allait arriver !

Cette dame était une tante de Sipiaguine nommée Anna Zakharovna.

Toutes les personnes présentes dans le salon se levèrent en hâte et se rendirent dans l’antichambre ; de là, elles descendirent l’escalier et passèrent sur le perron principal. Une large allée de sapins taillés conduisait de la grande route à ce même perron, et le long de cette allée roulait une calèche attelée de quatre chevaux. Valentine, qui se tenait en avant, agita son mouchoir.

Kolia cria d’une voix perçante. Le cocher arrêta net ses chevaux fumants juste devant le perron, le valet de pied dégringola comme un tourbillon en bas du siège, ouvrit la portière de la calèche avec tant de violence, qu’il faillit en arracher la serrure et les gonds, — et, un sourire bienveillant sur les lèvres, dans les yeux, sur tout son visage, rejetant d’un seul mouvement aisé et fier le manteau qui couvrait ses épaules, Boris Sipiaguine mit pied à terre.

Valentine lui jeta les bras autour du cou avec un geste rapide et gracieux, et ils s’embrassèrent trois fois sur les deux joues. Kolia piétinait et tirait son père par les pans de la redingote ; mais celui-ci, ayant préalablement ôté une horrible casquette de voyage écossaise, aussi incommode que laide, embrassa d’abord Anne Zakharovna, puis souhaita le bonjour à Marianne