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la queue de rat d’un prêtre ; ça bouillonne en moi, ça bouillonne ! »

Pour exprimer combien ça bouillonnait dans sa poitrine, Kalloméïtsef leva deux fois son poing fermé.

« Les cheveux vous causent de l’ennui en général, monsieur Kalloméïtsef, fit remarquer Marianne ; je suis sûre que vous ne pouvez pas non plus voir de sang-froid ceux qui les portent courts, comme moi. »

Mme  Sipiaguine leva lentement ses sourcils et secoua la tête comme pour exprimer son étonnement au sujet du sans-gêne avec lequel nos jeunes filles modernes se mêlent à la conversation ; — mais Kalloméïtsef sourit d’un air de condescendance.

« Certainement, dit-il, je ne puis faire autrement que de regretter ces belles boucles semblables aux vôtres, mademoiselle Marianne, qui tombent sous le tranchant impitoyable des ciseaux ; mais cela ne m’inspire pas d’antipathie, et dans tous les cas votre exemple pourrait me… me… convertir. »

Kalloméïtsef n’avait pas trouvé le mot russe, et comme il ne voulait pas parler français à cause de l’observation de Mme  Sipiaguine, il en fabriqua un franco-russe.

« Dieu merci, Marianne ne porte pas encore de lunettes, dit Mme  Sipiaguine, et jusqu’à présent elle n’a pas encore renoncé aux cols et aux manchettes ; en revanche, à mon grand regret, elle étudie les sciences naturelles et s’intéresse aussi à la question des femmes… N’est-ce pas, Marianne ? »

Tout ceci avait pour but de troubler Marianne, mais elle ne se troubla pas.

« Oui, ma tante, répondit-elle, je lis tout ce qui s’écrit à ce sujet, je m’efforce de comprendre en quoi consiste cette question.

— Ce que c’est que la jeunesse ! dit Mme  Sipiaguine à Kalloméïtsef ; vous et moi ne nous occupons pas de cela, eh ? »

Kalloméïtsef eut un sourire d’approbation, il fallait