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Elle sonna ; un petit groom entra.

« J’ai dit qu’on priât Mlle  Marianne de venir au salon. Est-ce qu’on aurait oublié ? »

Le petit groom n’avait pas encore eu le temps de répondre, lorsque, derrière lui, sur le seuil, apparut une jeune fille aux cheveux coupés en rond, vêtue d’une large blouse de couleur sombre. C’était Marianne Vikentievna Sinetskaïa, nièce de Sipiaguine par sa mère.


VI


« Veuillez m’excuser, Valentine Mikhaïlovna, dit la jeune fille en s’avançant vers Mme  Sipiaguine, j’étais occupée, et je me suis laissé attarder. »

Elle salua ensuite Kalloméïtsef, et s’écartant un peu, alla s’asseoir sur un petit pâté, dans le voisinage du perroquet, qui, aussitôt qu’il l’aperçut, se mit à battre des ailes et lui tendit le cou.

« Pourquoi t’es-tu assise si loin, Marianne ? fit observer Mme  Sipiaguine, dont les yeux l’avaient suivie jusqu’au pâté. C’est pour te rapprocher de ton petit ami ? Figurez-vous, dit-elle à Kalloméïtsef, que ce perroquet est positivement amoureux de notre Marianne.

— Cela ne m’étonne pas.

— Et il ne peut pas me souffrir.

— Voilà qui est surprenant ! Probablement vous le taquinez ?

— Jamais ; au contraire, je lui donne du sucre ; seulement il ne le prend pas de ma main. Non… c’est une affaire de sympathie… et d’antipathie… »

Marianne regarda en dessous Mme  Sipiaguine, et celle-ci la regarda.

Ces deux femmes ne s’aimaient point.

En comparaison de sa tante, Marianne pouvait passer