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croisé les mains, elle avait même placé un bouquet de fleurs sur un guéridon tout près de lui. »

Paul, qui avait reçu toutes les instructions nécessaires, fit aux gens de police l’accueil le plus respectueux et le plus railleur en même temps, de sorte qu’ils se demandèrent s’il fallait lui adresser des remercîments ou le faire arrêter.

Il leur raconta tous les détails du suicide, il leur fit manger du fromage de Gruyère et boire du madère ; mais quand on lui demanda où se trouvaient Solomine et la jeune fille qui était venue demeurer à la fabrique, il déclara être dans la plus complète ignorance là-dessus ; il se borna à leur assurer que Solomine ne restait jamais longtemps absent, à cause de la besogne ; qu’il allait revenir le jour même ou le lendemain, et qu’aussitôt, sans perdre une seule minute, il en donnerait connaissance en ville. Ils pouvaient en être sûrs, car c’était un homme ponctuel !

De la sorte, messieurs les agents s’en retournèrent les mains vides, après avoir laissé des gardiens auprès du corps, avec la promesse d’envoyer le juge d’instruction.


XXXVIII


Deux jours après ces événements, un homme et une jeune fille qui nous sont bien connus entrèrent en télègue dans la cour de « ce brave » père Zossime ; et, le lendemain de leur arrivée, ils se marièrent.

Peu de jours après, ils disparurent, — et « le brave Zossime » ne se repentit nullement de ce qu’il avait fait.

En quittant la fabrique, Solomine avait laissé à Paul une lettre adressée au patron ; cette lettre contenait un compte rendu complet et précis de la situation des affaires, — qui était brillante, — et demandait pour Solomine