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XXXVII


À peine Solomine fut-il sorti que Néjdanof s’élança de son divan ; il fit deux fois le tour de la chambre, puis s’arrêta au milieu pendant une minute, comme dans une rêverie pétrifiée ; puis il se secoua tout à coup et se débarrassa vivement de son costume « de mascarade », qu’il poussa du pied dans un coin ; — il alla chercher et remit ses anciens habits.

Puis il s’approcha de la table à trois pieds et prit dans le tiroir deux enveloppes cachetées et un petit objet qu’il glissa dans sa poche ; les enveloppes restèrent sur la table.

Il se baissa ensuite jusqu’à la porte du poêle, qu’il ouvrit… Le poêle contenait un monceau de cendres. C’était tout ce qui restait des papiers de Néjdanof et du cahier secret de poésies… Il avait brûlé tout cela pendant la nuit. Mais dans ce même poêle, appuyé contre une des parois, se trouvait le portrait de Marianne, cadeau de Markelof. Évidemment Néjdanof n’avait pas eu le courage de brûler ce portrait avec le reste.

Il le retira soigneusement, et le mit sur la table à côté des papiers cachetés.

Puis, d’un mouvement énergique, il saisit sa casquette et se dirigea vers la porte… Mais il s’arrêta, revint en arrière, et entra dans la chambre de Marianne.

Après être resté une minute debout, immobile, il jeta un regard tout autour de lui, et, s’approchent de l’étroite couchette de la jeune fille, il posa ses lèvres, avec un sanglot unique et muet, non sur le chevet, mais sur le pied du lit…

Puis il se redressa tout d’une pièce, enfonça sa casquette sur son front et se précipita dehors. Sans rencontrer