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et Kalloméïtsef venaient le voir, le gouverneur poussa une exclamation douloureuse ; il se frappa le front, et son visage prit une expression de chagrin sincère.

« Oui… oui… oui ! répéta-t-il. Quel malheur !… Il est encore ici aujourd’hui, en attendant ; tu sais que nous ne gardons ceux-là qu’une nuit ; seulement, le chef de la gendarmerie n’est pas en ville aujourd’hui, voilà pourquoi ton beau-frère est encore ici… Mais demain on l’expédiera. Mon Dieu, quelle affaire désagréable ! Ta femme doit être bien affectée. Que puis-je faire pour toi ?

— Je voudrais avoir une entrevue avec lui, chez toi… si la loi ne s’y oppose pas.

— Comment donc, mon cher ami ! La loi n’a pas été écrite pour des gens comme toi. Je prends tant de part à ton chagrin ! C’est affreux, tu sais ! »

Il sonna d’une façon particulière. Un aide de camp parut.

« Cher baron, je vous en prie, ayez la bonté… (Il lui dit ce qu’il fallait faire. Le baron disparut.) —Figure-toi, mon cher ami, que les paysans ont failli le tuer ! Ils lui ont attaché les mains derrière le dos, et marche… et lui, imagine-toi, il n’a pas l’air d’être en colère, ni de leur en vouloir, ma parole ! Il est d’un calme… j’en ai été tout surpris ! Du reste, tu vas le voir. C’est un fanatique tranquille. »

— « Ce sont les pires, » dit sentencieusement Kalloméïtsef.

Le gouverneur le regarda en dessous.

« À propos, j’ai à causer avec vous, Siméon Pétrovitch.

— Quoi donc ?

— Une mauvaise affaire.

— Mais quoi encore ?

— Vous savez, votre débiteur, ce paysan qui était venu porter plainte chez moi…

— Eh bien !