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s’est marié avec ma… parente. Vous les avez vus ? Ils se sont installés pas loin d’ici ?

— Hé ! hé ! pensa Pakline, Sila, mon ami, attention !

— Je ne les ai vus qu’une fois, Votre Excellence. Ils demeurent, en effet, pas extrêmement loin d’ici.

— Naturellement, vous comprenez, reprit Sipiaguine en continuant son manège, comme je vous l’ai déjà dit, je ne peux plus m’intéresser sérieusement ni à cette frivole jeune fille, ni à votre ami. Mon Dieu ! je n’ai pas de préjugés ; mais, convenez-en vous-même, c’est une affaire absurde… C’est trop bête. Du reste, dans ma conviction, ce qui les a réunis, c’est plutôt la politique… (la politique ! répéta-t-il en haussant les épaules), que tout autre sentiment.

— Je le crois aussi, Votre Excellence.

— Oui, M. Néjdanof était tout à fait rouge. Je dois lui rendre cette justice, qu’il ne cachait pas ses opinions.

— Néjdanof, hasarda Pakline, s’est peut-être laissé entraîner ; mais son cœur…

— Son cœur est bon, interrompit Sipiaguine ; sans doute, sans doute, comme chez Markelof. —Ces messieurs ont tous un très-bon cœur. —Probablement, lui aussi a pris part à cette affaire, et lui aussi sera pincé… Il faudra intercéder aussi pour lui… »

Pakline pressa ses deux mains sur sa poitrine. « Ah ! oui, oui, Votre Excellence. — Accordez-lui votre protection ! Il mérite… je vous assure… il mérite votre sympathie.

— Hum ! fit Sipiaguine, vous pensez cela, vous ?

— Enfin, si ce n’est pas pour lui, que ce soit pour votre nièce, pour sa femme ! (Mon Dieu ! mon Dieu ! quelles blagues je raconte ! se dit Pakline encore une fois.) »

Sipiaguine cligna des yeux.

« Vous êtes un ami très-dévoué, je vois ça. C’est très-bien à vous, jeune homme, c’est très-digne d’éloges. Ainsi donc, vous dites qu’ils vivent très-près d’ici ?