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même clique ! On ne l’a pas arrêté ? Vous ne savez pas ? »

Sipiaguine fit de nouveau le même geste éloignant de la main.

« Je n’en sais rien, et n’en veux rien savoir ! À propos, ajouta-t-il en s’adressant à sa femme, il paraît qu’ils sont mariés »

— Qui te l’a dit ? monsieur ? »

Elle regarda Pakline de nouveau, et, cette fois, en clignant un peu des yeux.

« Lui-même.

— En ce cas, s’exclama Kalloméïtsef, il doit nécessairement savoir où ils sont. —Vous le savez, où ils sont ? Vous le savez ? Hein ? hein ? Vous le savez ? »

En parlant ainsi, il se balançait devant Pakline à droite, à gauche, comme pour lui barrer le passage, bien que celui-ci ne fît nullement mine de vouloir s’enfuir.

« Mais parlez donc, répondez ! Hein ? hein ? vous le savez ! vous le savez ! »

Pakline, à la fin, sentit la moutarde lui monter au nez ; ses petits yeux brillèrent ; il répondit d’un air vexé :

« Quand même je le saurais, monsieur, je ne vous le dirais pas.

— Oh ! oh ! oh ! fit Kalloméïtsef, vous entendez… vous entendez… Mais celui-là aussi, celui-là aussi doit être de la bande.

— La voiture est prête, » cria un laquais en entrant.

Sipiaguine, d’un geste énergique et élégant, saisit son chapeau ; mais Valentine le supplia si instamment d’attendre au lendemain matin ; elle lui présenta de si bonnes raisons, et que la nuit était tombée, et que tout le monde dormirait dans la ville, et que cela ne servirait qu’à lui détraquer les nerfs, et qu’il pouvait s’enrhumer, que Sipiaguine, à la fin, se laissant convaincre, s’écria :

« Je me soumets ! »