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coute ! dit-il à haute voix, s’il nous faut fuir… avant que la police ne nous découvre… je pense qu’il, ne serait pas mal de commencer par nous marier. Nous ne trouverions peut-être pas ailleurs un prêtre aussi accommodant que ce Zossime.

— Je suis prête, » dit Marianne.

Néjdanof la regarda attentivement.

« Romaine ! dit-il avec un demi-sourire amer. Le sentiment du devoir ! »

Marianne haussa les épaules.

« Il faudra en parler à Solomine.

— Ah, oui… à Solomine… dit lentement Néjdanof. Mais lui aussi, je pense, est menacé d’être pris par la police. Il me semble qu’il joue un rôle plus important que moi, et qu’il en sait plus long.

— Je l’ignore, répondit Marianne. Il ne parle jamais de lui-même.

— « Ce n’est pas comme moi, pensa Néjdanof ; voilà ce qu’elle veut dire. » — Solomine… Solomine ! ajouta-t-il après un long silence. Vois-tu, Marianne, je ne t’aurais pas plainte si l’homme auquel tu aurais lié pour toujours ta vie avait été un Solomine, ou si ç’avait été Solomine lui-même. »

Marianne, à son tour, regarda attentivement Néjdanof.

« Tu n’avais pas le droit de dire cela, dit-elle enfin.

— Pas le droit ! Dans quel sens dois-je prendre tes paroles ? Cela veut-il dire que tu m’aimes, moi, ou que, en général, il ne convenait pas de toucher à cette question ?

— Tu n’en avais pas le droit, » répéta Marianne.

Néjdanof baissa la tête.

« Marianne ! dit-il d’une voix un peu altérée.

— Quoi ?

— Si en ce moment je… si je te demandais… tu sais ?… Non, je ne te demande rien… adieu ! »

Il se leva et sortit ; Marianne ne le retint pas. Néjdanof