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pas de temps à perdre. On va vous donner des chevaux tout de suite. Paul ! »

Mais au lieu de Paul, ce fut Néjdanof qui apparut sur le seuil. Il chancelait sur ses jambes, se retenant d’une main au linteau de la porte, et, les lèvres faiblement entr’ouvertes, il fixait devant lui son regard trouble. Il ne comprenait rien.

Pakline, le premier, s’avança vers lui.

« Alexis ! s’écria-t-il, tu me reconnais bien ? »

Néjdanof le regarda en clignotant lentement des yeux.

« Pakline ? dit-il enfin.

— Oui, oui ; c’est moi. Tu es malade ?

— Oui… je suis malade. Mais… pourquoi es-tu ici ?

— Pourquoi je… »

Mais dans ce moment, Marianne toucha légèrement le coude à Pakline. Il se retourna, et vit qu’elle lui faisait des signes… Ah ! oui… murmura-t-il ; c’est vrai…

« Voilà ce que c’est, Alexis, reprit-il tout haut, je suis arrivé ici pour une affaire importante, et je repars immédiatement pour continuer ma route… Solomine te racontera tout cela, et Marianne… Mlle  Marianne aussi. Tous deux approuvent pleinement ma résolution. Il s’agit de nous tous : c’est-à-dire, non, non, fit-il sur un mouvement et un regard de Marianne… Il s’agit de Markelof, de notre ami commun Markelof, de lui seul. Mais adieu, les minutes sont précieuses, adieu, mon ami… Nous nous reverrons. M. Solomine, aurez-vous la bonté de venir avec moi pour que nous nous occupions des chevaux ?

— Fort bien. Marianne, je voulais vous conseiller d’être ferme, mais la recommandation est inutile. Vous êtes de la bonne trempe, vous.

— Oh oui ! oh oui ! approuva Pakline. Vous êtes une Romaine du temps de Caton ! de Caton d’Utique ! Mais allons-nous-en, monsieur Solomine, allons !

— Vous avez le temps, » fit Solomine avec un sourire nonchalant.