inintelligibles, ferma les yeux et s’endormit. Paul l’arrangea avec soin sur le divan.
« Ne vous inquiétez pas, mademoiselle Marianne, répéta-t-il ; il va dormir deux heures, et il se lèvera comme si de rien n’était. »
Marianne eut envie de demander comment cela s’était fait ; mais ses questions auraient retenu Paul ; et elle voulait être seule… ou plutôt, elle ne voulait pas que Paul le vît plus longtemps dans ce misérable état devant elle… Elle s’écarta vers la fenêtre ; Paul, qui comprit tout à l’instant, enveloppa avec précaution les pieds de Néjdanof dans les pans de son caftan, lui mit un petit oreiller sous la tête, répéta encore une fois : « Ce n’est rien ! » et sortit sur la pointe des pieds.
Marianne se retourna. La tête de Néjdanof s’enfonçait lourdement dans l’oreiller ; il y avait une tension immobile sur son visage pâle comme sur celui d’un malade gravement atteint.
« Comment cela s’est-il fait ? » pensa-t-elle.
Voici comment cela s’était fait.
En s’asseyant dans la télègue à côté de Paul, Néjdanof fut saisi tout à coup d’une extrême surexcitation ; à peine avaient-ils débouché de la cour sur la route et s’étaient-ils mis à rouler dans la direction du district de T… qu’il commença d’appeler, d’arrêter les paysans qui passaient, de leur tenir des discours aussi brefs qu’incohérents.
« Voyons ! s’écriait-il, vous dormez ? levez-vous ! L’heure est arrivée ! À bas les impôts ! à bas les propriétaires ! »
Certains paysans le regardaient avec étonnement ;