qu’ils ne veulent pas payer les impôts, qu’ils font des rassemblements.
— Tu as entendu cela de tes propres oreilles ?
— C’est Tatiana qui me l’a dit. Mais tiens, voici Paul, demande-le-lui. »
Paul entra et confirma le dire de Marianne.
« Il y a des troubles dans le district de T… c’est certain ! dit-il en secouant sa barbe et en clignant ses yeux noirs et brillants. C’est de la besogne de Markelof, probablement. Voilà cinq jours qu’il n’est pas rentré chez lui. »
Néjdanof prit sa casquette.
« Où vas-tu ? lui dit Marianne.
— Mais… là-bas, répondit-il, les sourcils froncés, sans lever les yeux, dans le district de T…
— Moi aussi, en ce cas. Tu m’emmènes, naturellement. Laisse-moi le temps de prendre un foulard pour ma tête.
— Ce n’est pas l’affaire d’une femme, répondit Néjdanof d’un air sombre, les yeux toujours fixés à terre, avec une sorte d’irritation.
— Non, non !… Tu fais bien d’y aller, sans quoi Markelof te prendrait pour un poltron… Mais j’irai avec toi.
— Je ne suis pas un poltron, dit Néjdanof du même air sombre.
— Je voulais dire qu’il nous prendrait tous deux pour des poltrons. Je pars avec toi. »
Marianne alla prendre le foulard dans sa chambre ; Paul laissa échapper un « Hoho ! » d’inquiétude, et disparut aussitôt. Il courait prévenir Solomine.
Avant que Marianne eût reparu, Solomine entrait dans la chambre de Néjdanof. Celui-ci était devant la fenêtre, le front sur le bras, et le bras sur la vitre. Solomine lui frappa sur l’épaule. Il se retourna vivement ; sa barbe et ses cheveux ébouriffés, — il n’avait pas encore fait sa toilette, — lui donnaient un air sauvage et étrange.