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Marianne indiqua d’un geste vague son costume et tout ce qui était autour d’elle.

« J’avais rêvé autre chose.

— Vous vouliez vous offrir en sacrifice ? »

Les yeux de Marianne s’allumèrent.

« Oui, oui, oui !

— Et Néjdanof ? »

Marianne haussa les épaules.

« Néjdanof ? Eh bien, nous irons ensemble… ou j’irai seule. »

Solomine regarda fixement Marianne.

« Écoutez, lui dit-il, pardonnez-moi l’inconvenance de l’expression ; mais, à mon point de vue, peigner un enfant teigneux est un sacrifice, et un grand sacrifice, dont peu de gens sont capables.

— Mais je ne refuse pas de faire aussi cela.

— Je le sais. Oui, « vous » en êtes capable. Vous ferez cela en attendant, et peut-être, plus tard, autre chose.

— Mais d’abord il faut que je reçoive des conseils de Tatiana.

— Parfaitement, demandez-lui des conseils. Vous laverez la vaisselle, vous plumerez des poules… Et plus tard, qui sait ? vous sauverez peut-être la patrie.

— Vous vous moquez de moi ? »

Solomine secoua doucement la tête.

« Non, ma bonne Marianne, croyez-moi ; je ne me moque pas de vous ; mes paroles sont la vérité pure. Par le temps qui court, vous autres femmes russes, vous êtes plus sensées et meilleures que nous. »

Marianne, qui avait baissé les yeux, les releva.

« Je voudrais justifier votre attente, Solomine… et ensuite mourir. »

Solomine se leva.

« Non ! vivez, vivez ! C’est le principal. À propos, n’avez-vous pas envie de savoir ce qui se passe en ce moment-ci dans votre maison, au sujet de votre fuite ? Peut-être a-t-on pris des mesures ? Vous n’avez qu’un mot à