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mouchoir rouge en guise de coiffure, venait de paraître sur le seuil de sa chambre. Tatiana, qu’on apercevait derrière elle, la regardait avec bonhomie.

Marianne semblait plus fraîche et plus jeune dans ce simple costume, qui lui seyait beaucoup mieux qu’à Néjdanof son long caftan.

« Vassili Fédotytch, je vous en prie, ne vous moquez pas de moi ! dit d’un air suppliant. Marianne, devenue rouge comme une fleur de pavot.

— Ah ! le voilà, notre couple ! s’écria Tatiana en battant des mains. Seulement, mon garçon, mon petit pigeon, ne te fâche pas, écoute : pour être gentil, tu es gentil, c’est bien sûr ; mais, auprès de ma petite reine, tu ne fais pas grande figure.

« Le fait est, pensa Néjdanof, qu’elle est ravissante. Oh ! que je l’aime ! »

— Tiens, vois, continua Tatiana, elle a échangé son anneau avec moi ; elle m’a donné son anneau d’or et elle a pris mon anneau d’argent.

— Les filles du peuple n’ont pas d’anneaux d’or, » dit Marianne.

Tatiana soupira.

« Je vous le garderai, ma colombe, soyez tranquille.

— Allons, asseyez-vous, asseyez-vous tous les deux, dit Solomine qui, pendant tout ce temps, la tête un peu baissée, n’avait cessé de regarder Marianne ; autrefois, vous vous rappelez, on avait coutume de s’asseoir avant de se mettre en route. Et vous deux, vous allez avoir à parcourir une route longue et difficile. »

Marianne, encore toute rouge, s’assit ; Néjdanof fit de même, puis Solomine ; Tatiana elle-même s’assit sur une grosse bûche placée debout.

Solomine promena ses regards successivement sur eux tous :


« Reculons-nous pour mieux voir

Comme nous sommes bien assis… »


dit-il en clignant de l’œil ; puis, tout à coup, il éclata de