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III


L’élégant visiteur s’avança vers Néjdanof et, avec un sourire plein de condescendance :

« J’ai déjà eu le plaisir de vous rencontrer, dit-il, et même de causer avec vous, monsieur Néjdanof, avant-hier, si vous voulez bien vous en souvenir, au théâtre. »

Le visiteur s’arrêta, attendant une réponse, Néjdanof fit un signe de tête et rougit.

« Oui !… et aujourd’hui je me présente chez vous en conséquence de l’annonce que vous avez fait insérer dans les journaux. J’aurais voulu causer avec vous à ce sujet, si toutefois cela ne gêne pas les personnes présentes… »

Il s’inclina vers Machourina et indiqua Ostrodoumof et Pakline d’un geste de sa main gantée de peau de Suède.

« … Et si je ne les dérange pas…

— Du tout… du tout… répondit Néjdanof, non sans quelque effort, mes amis permettront… Prenez la peine de vous asseoir. »

Le visiteur, de l’air le plus aimable, s’inclina, saisit par le dossier une chaise qu’il rapprocha de lui, mais il ne s’assit pas, — car tout le monde était debout dans la chambre, — et promena autour de lui ses yeux clairs et pénétrants, quoique à demi fermés.

« Au revoir, Alexis Dmitritch, dit tout à coup Machourina, je passerai tantôt.

— Moi aussi, ajouta Ostrodoumof, moi aussi… tantôt. »

Par une sorte de bravade, Machourina, passant à côté du visiteur, alla prendre la main de Néjdanof, la secoua énergiquement et sortit sans saluer personne.

Ostrodoumof sortit à sa suite, faisant résonner ses talons sur le plancher plus que cela n’était nécessaire ;